publié le 03/05/2023
Temps de lecture : 9 minutesEn 2021, l’année s’était achevée avec une augmentation de 329,18 % du prix du MWh et une forte tension sur la disponibilité en énergie dans le monde. Cette tension était due à la forte reprise économique mondiale après la récession liée à la pandémie de Covid-19.
En 2022, cette pénurie s’est radicalement aggravée suite à l’invasion Russe en Ukraine, se transformant en une crise énergétique mondiale. Nous revenons en détail dans cet article sur les événements ayant conduits à cette crise énergétique.
Dates clés 2022 :
- 12 janvier : EDF annonce que l’EPR de Flamanville, réacteur nucléaire de 1600 MW en construction, ne sera pas opérationnel avant le deuxième trimestre 2023 avec un an de retard sur le calendrier initial. Le coût du projet, déjà en retard depuis plusieurs années, devrait également augmenter, passant de 12,4 à 12,7 milliards d’euros.
- 13 janvier : Bruno Lemaire annonce 20TWh d’ARENH supplémentaire pour contenir la hausse des prix sur la période du 1er avril au 31 décembre 2022 (décret le 11 mars).
- 13 janvier : EDF révise son estimation de production nucléaire 2022 qui chute à 300-330 TWh contre 330-360 TWh auparavant (et environ 450 TWh en temps normal) en raison notamment de l’allongement de la durée d’arrêt de quatre réacteurs (Cattenom 1 et 3, Penly 2 et Chooz B1) pour des problèmes de corrosion.
- 31 janvier : l’ASN affirme que les corrosions auraient pu échapper aux contrôleurs lors de visites décennales. Le parc entier doit être inspecté. L’Inquiétude persiste sur l’état du parc nucléaire français, dû à la découverte d’un défaut de corrosion dans trois centrales d’EDF dont l’origine reste inconnue, faisant planer le risque d’un défaut générique touchant l’ensemble des réacteurs français.
- 8 février : EDF réduit son objectif nucléaire pour 2022 à 295-315 TWh contre une fourchette de 300 à 330 TWh précédemment annoncée.
- 10 février : Macron annonce un plan de construction de 6 EPR2, avec la possibilité d’ajouter huit réacteurs additionnels. Il a également annoncé l’objectif de doter la France d’une cinquantaine de parcs éoliens en mer pour viser 40 gigawatts de production en service d’ici 2050.
- 22 février : Le chancelier Olaf Scholz suspend définitivement le processus de certification du projet de gazoduc Nord Stream 2. Le 1er mars 2022, Nord Stream 2 SA annonce le licenciement de son personnel et dépose son bilan, à la suite des sanctions décidées par l’Allemagne, l’Union européenne et les États-Unis contre la Russie.
- 24 février : Peu avant 06H00 du matin (03H00 GMT), dans une déclaration surprise à la télévision, Vladimir Poutine annonce l’invasion de l’Ukraine, déclenchant ainsi le plus grand conflit européen depuis la Seconde Guerre mondiale.
- 23 mars : Suite aux multiples sanctions économiques lancées contre la Russie depuis l’invasion de l’Ukraine, la valeur du rouble chute drastiquement. Pour tenter de contrer les sanctions, Vladimir Poutine annonce le mercredi 23 mars que la Russie n’acceptera plus de paiements en dollars ou en euros mais uniquement en roubles pour les livraisons de gaz à l’UE.
- 27 avril : La Russie (Gazprom) coupe l’approvisionnement en gaz à la Pologne et à la Bulgarie pour sanctionner leur refus de payer le gaz en roubles et leur soutien à l’Ukraine. Le lendemain, c’est au tour de la Finlande d’être coupée.
- 2 mai : Les ministres de l’énergie de l’Union Européenne se réunissent en urgence à Bruxelles pour discuter d’un éventuel embargo sur le gaz russe. Une réunion de crise dont l’objectif est de s’accorder sur une position commune à adopter face à l’ultimatum de la Russie. En parallèle, la Commission Européenne annonce la possibilité d’un embargo sur le pétrole russe.
- 19 mai : EDF annonce une réduction de 5% de son objectif de production nucléaire pour 2022, soit 280-300 TWh, invoquant des contrôles liés à de la corrosion sur une douzaine de réacteurs. Le 19 mai 2022, on compte douze réacteurs à l’arrêt pour examen visant à détecter la présence de corrosion sous contrainte sur les circuits de sécurité reliés au circuit primaire.
- 30-31 Mai : Gazprom annonce le 30 mai 2022 la suspension de ses livraisons de gaz aux Pays-Bas et le 31 mai au Danemark. Il suspend les livraisons au fournisseur d’énergie GasTerra, en partie propriété de l’Etat néerlandais, car il refuse de payer en roubles.
- 31 mai : Embargo sur le pétrole russe. Les 30 et 31 mai 2022, les dirigeants européens se réunissent à Bruxelles pour un sommet extraordinaire consacré à la guerre en Ukraine. Les 27 pays de l’Union européenne (UE) parviennent à un accord sur le 6ème paquet de sanctions à l’encontre de la Russie, qui comporte notamment un embargo sur les importations de pétrole russe.
- 16 juin : Gazprom coupe 75% de ses importations de gaz à l’Allemagne. En l’espace de 48h, le géant gazier russe Gazprom annonce réduire de près de 75% ses livraisons de gaz à l’Allemagne. En conséquence, le jeudi 16 juin, les prix du gaz sur les marchés de l’énergie bondissent de 30%.
- 26 juin : Le ministère de la Transition énergétique annonce que la centrale à charbon de St Avold, fermée définitivement depuis le 31 mars, réouvrira à l’hiver 2023, en raison de la guerre en Ukraine et des tensions sur le marché de l’énergie.
- 30 juin : Uniper, géant gazier Allemand, menace de faire faillite et sollicite un plan de sauvetage auprès de l’Etat Allemand, n’ayant plus les moyens de compenser la chute de ses livraisons en provenance de la Russie par des volumes achetés sur le marché comptant.
- 9 juillet : EDF dépose un recours contentieux auprès du Conseil d’Etat et une demande indemnitaire, pour un montant estimé à date à 8,34 milliards d’euros, auprès de son actionnaire principal, l’Etat (84% du capital). Afin de contenir comme promis la hausse des tarifs réglementés de l’électricité à 4% en 2022 le gouvernement contraint EDF à augmenter de 20 % le quota d’Arenh pour 2023, causant la demande d’indemnité.
- 13 juillet : EDF suspend son titre à la Bourse de Paris suite aux annonces du gouvernement français concernant la renationalisation de l’entreprise, et l’exécutif annonce qu’un nouveau dirigeant sera nommé.
- 25 juillet : Gazprom annonce réduire à 33 millions de m3 quotidiens ses livraisons de gaz en Europe via Nord Stream 1, soit seulement 20% des capacités du Gazoduc.
- 28 juillet : EDF annonce une perte historique de 5 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année. En cause : une dégringolade de la production d’électricité nucléaire à cause d’un défaut de corrosion identifié dans plusieurs réacteurs et la mise à contribution de l’entreprise par l’Etat pour contenir la facture des Français.
- Août 2022 : Les réservoirs exploités par EDF atteignent un taux de remplissage de 64,4 %, soit 15 points en dessous de la moyenne historique en raison d’un des plus hauts niveaux de sécheresse jamais enregistré en France. La production hydraulique est également affaiblie, s’élevant à 18,9 TWh fin juin, en baisse de 5,7 TWh par rapport au premier semestre 2021 (-23,1% par rapport au premier semestre 2021).
- 19 août : Gazprom annonce un arrêt complet de Nord Stream 1 pour une maintenance de 3 jours, du 31 août au 2 septembre, en expliquant qu’il est nécessaire de procéder à une maintenance toutes les 1 000 heures de fonctionnement. Moscou est accusé de chantage énergétique étant donné que la Russie représentait 40% des importations gazières de l’Union européenne jusqu’en 2021.
- 2 septembre : Gazprom annonce que le gazoduc ne rouvrira pas en raison d’un problème de turbine. Ils invoquaient, la veille au soir, des « fuites d’huile » dans une turbine empêchant son redémarrage. L’ouverture est reportée jusqu’à nouvel ordre .
- 3 septembre : Le commissaire européen à l’Economie Paolo Gentiloni s’est également voulu rassurant samedi. « Nous sommes bien préparés à résister à l’utilisation extrême de l’arme du gaz par la Russie », a-t-il déclaré, indiquant que les réserves de gaz de l’Union étaient remplies à 80 %, même si la situation diverge d’un pays à l’autre. Ursula von der Leyen, a estimé vendredi qu’« il serait temps » de mettre en place un plafonnement du prix du gaz russe.
- 14 septembre : lancement national d’Ecowatt, le dispositif de météo de l’énergie qui permet également d’encourager les consommateurs à réduire leur consommation d’énergie, en période de restriction d’approvisionnement d’électricité et de production nucléaire faible.
- 26 septembre : 3 grandes fuites de gaz sont détectées sur NS dans les eaux internationales de la mer Baltique. Des millions de mètres cubes de méthane se sont échappés. La Commission Européenne évoque un acte délibéré (sabotage).
- 30 septembre : accord politique sur les mesures d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie. 3 nouvelles mesures : baisser de 10% la consommation d’énergie brute. Plafonner les profits des producteurs d’énergie. Fixer une contribution de solidarité temporaire obligatoire sur les bénéfices des entreprises dans les secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage.
- 4 octobre : L’état lance le processus de renationalisation complète d’EDF en déposant son projet d’offre publique d’achat auprès de l’Autorité des marchés financiers.
- 6 octobre : annoncé depuis le mois de juin, l’Etat publie son plan de sobriété énergétique pour l’hiver 2022-2023. 4 piliers : la sobriété énergétique, c’est-à-dire consommer moins, l’efficacité énergétique, c’est-à-dire consommer autrement ; l’accélération du développement des énergies renouvelables (EnR) ; la relance de la filière nucléaire française.
- 3 novembre : EDF annonce qu’il tablera désormais sur une production totale de 275 à 285 TWh pour l’année 2022 contre 280 à 300 TWh prévus précédemment.
- 14 novembre : une note interne à l’administration datant de juin 2022 et évoquant la scission d’EDF surgit dans le débat public, dans laquelle est évoquée la cession d’environ 30% des activités liées à la transition énergétique du groupe. De quoi pousser le député PS Philippe Brun à affirmer, dans un nouveau rapport parlementaire dans lequel ladite note est citée, que le projet de « démantèlement » d’EDF reste dans les tuyaux, avec une séparation des activités nucléaires et renouvelables, et une privatisation de ces dernières. De son côté pourtant, le gouvernement dément formellement cette « allégation », et assure que cela n’a « jamais été [son] intention, pas plus aujourd’hui que par le passé ».
- 5 décembre : Entrée en vigueur de l’embargo historique sur le pétrole Russe. L’UE interdit le transport maritime du pétrole brut russe et de produits pétroliers vers des pays tiers. Cette interdiction ne s’applique pas si le pétrole brut ou les produits pétroliers sont achetés à un prix inférieur ou égal au plafond du prix du pétrole.
- 16 décembre : EDF annonce un retard supplémentaire de six mois pour la mise en service de son réacteur nucléaire EPR de Flamanville (Manche). Le réacteur devrait démarrer mi-2024 au lieu de fin 2023, soit un retard total de douze mois. Cette nouvelle annonce se traduit par un surcoût de 500 millions d’euros, portant le coût total du projet à 13,2 milliards d’euros.
L’année 2022 : une année historique pour le prix de l’électricité
L’année 2022 fut historique sur le prix de marché de l’électricité sur les marchés, dans la continuité des hausses sur la deuxième moitié de 2021. L’année 2021 s’était terminée avec une augmentation de 329,18 % du prix du MWh et une grosse tension sur les différentes énergies dans le monde, causée par la forte reprise économique mondiale après la récession liée à la pandémie de Covid-19 à partir de 2020.
Début 2022, une météo clémente entraîne une baisse importante des prix sur les marchés. Ainsi, en l’espace de 5 jours (du 29/12 au 03/01/2022) le prix de l’électricité enregistre une baisse de 52,2 %.
Mi-janvier, les découvertes grandissantes de corrosions sur différents réacteurs du parc nucléaire français constituent la principale source d’inquiétude pour les marchés de l’énergie. Puis, le mois de février marque le début de l’escalade, avec l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine, qui utilisera par la suite l’énergie et Gazprom, le principal fournisseur de gaz d’Europe, comme moyen de pression sur l’Europe, qui soutient l’Ukraine. Ainsi, si les prix du gaz se sont envolés et ont atteint des niveaux inégalés, ils ont également entraîné des tarifs records sur certains marchés de l’électricité.
Le mois de mars a été marqué par des tensions entre la Russie et l’Europe, principalement liées aux livraisons de gaz. Malgré les efforts pour résoudre la crise énergétique, les événements se sont enchaînés tout au long de l’année. En France, EDF a dû réduire son objectif de production nucléaire pour l’année 2022 en raison de la corrosion de plusieurs réacteurs. Le gouvernement français a contraint EDF à augmenter de 20 % le quota annuel d’électricité vendu à prix réduit à ses concurrents, ce qui a conduit EDF à déposer un recours contentieux et une demande indemnitaire de 8,34 milliards d’euros auprès de l’Etat, son actionnaire principal.
L’été a été marqué par une série d’événements importants, notamment la réduction drastique des livraisons de gaz en Europe via Nord Stream 1 annoncée par Gazprom en juillet. EDF a également annoncé une perte historique de 5 milliards d’euros sur les six premiers mois de l’année.
Finalement, un accord politique a été conclu fin septembre pour faire face aux prix élevés de l’énergie. Trois nouvelles mesures ont été mises en place : baisser la consommation d’énergie brute de 10 %, plafonner les profits des producteurs d’énergie, et fixer une contribution de solidarité temporaire obligatoire sur les bénéfices des entreprises dans les secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage. Enfin, l’année 2022 se conclue avec l’entrée en vigueur de l’embargo historique sur le pétrole russe.
La crise énergétique de 2022 a entraîné une augmentation de l’inflation, des déficits budgétaires et des taux d’intérêt élevés, limitant la capacité des gouvernements à aider les particuliers et les entreprises. L’Europe a importé davantage de gaz de pays tels que l’Algérie, la Norvège et l’Azerbaïdjan, tout en augmentant la production d’électricité à base de charbon et en prolongeant la durée de vie des centrales nucléaires. Pour assurer des approvisionnements suffisants en pétrole, l’Agence internationale de l’énergie a débloqué des stocks stratégiques, publié des plans d’action pour réduire la consommation de pétrole et réduire la dépendance du gaz russe. L’invasion de l’Ukraine a remis en question la viabilité des décisions en matière d’infrastructures et d’investissements énergétiques et a mis en évidence l’importance d’investir dans des infrastructures robustes d’approvisionnement en gaz et dans les réseaux électriques pour mieux intégrer les marchés régionaux. La crise pourrait accélérer le déploiement des énergies renouvelables, et des initiatives majeures en faveur de l’efficacité énergétique, telles que le plan RePowerEU de l’UE, présenté en mai 2022, et l’Inflation Reduction Act aux États-Unis, voté aux États-Unis en août 2022.
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Sources :
Godelier, M. (s. d.). Relance du nucléaire, défauts de corrosion et renationalisation : 2022, l& # 039 ; année du grand chamboulement d& # 039 ; EDF. La Tribune. https://www.latribune.fr/
atribune.fr. (s. d.). Nucléaire : coup dur pour EDF, l’EPR de Flamanville à nouveau retardé de six mois. La Tribune. https://www.latribune.fr/
Godelier, M. (2022, 26 octobre). Le Parlement valide le choix de Luc Rémont à la tête d& # 039 ; EDF. La Tribune. https://www.latribune.fr/
Endeweld, M. (s. d.). Derrière le coup de com& # 039 ; du rachat par EDF des turbines de Belfort, la filière nucléaire en crise. La Tribune. https://www.latribune.fr/
atribune.fr. (s. d.-a). EDF révise à nouveau à la baisse sa production nucléaire pour 2022 (et abaissera « dès que possible » sa prévision pour 2023). La Tribune. https://www.latribune.fr/
Amsili, S. (2022, 4 septembre). Gaz : Nord Stream 1 reste à l’arrêt, les Européens se veulent rassurants. Les Echos. https://www.lesechos.fr/
Chaud, P. (2022, 4 octobre). L’Etat a lancé le processus de renationalisation complète d’EDF. www.20minutes.fr. https://www.20minutes.fr/
Franceinfo. (2022, 15 septembre). Crise énergétique : on vous explique comment fonctionne « Ecowatt » , l’outil sur lequel mise RTE pour éviter les. Franceinfo. https://www.francetvinfo.fr/