publié le 23/08/2023

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En 2021, la consommation de gaz au sein de l’Union européenne (UE) s’est élevée à 400 milliards de mètres cubes. Près de 45 % de ces importations de gaz naturel provenaient de la Russie, représentant environ 155 milliards de mètres cubes. Toutefois, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a engendré une menace majeure pour la sécurité de l’approvisionnement en gaz, ce qui a entraîné une hausse exceptionnelle des prix de l’énergie.

Après un hiver 2022 tendu, marqué par une lente reconstitution des réserves de gaz, en partie attribuables à l’invasion russe en Ukraine, les pays membres de l’Union européenne semblent se diriger vers un hiver 2023 plus serein sur le plan énergétique. Le 18 août, la Commission européenne a annoncé que les niveaux de stockage de gaz en Europe avaient surpassé les attentes, atteignant les objectifs fixés pour le 1er novembre plusieurs mois avant le délai initial. Malgré cette annonce positive, les acteurs du marché gazier restent prudents à l’approche de la saison hivernale.

Si la Russie fournissait plus de la moitié des importations de gaz à l’UE en 2019, ce chiffre a chuté à la suite de l’application des sanctions européennes à mi-2022. Les sabotages visant les gazoducs Nord Stream, essentiels pour l’approvisionnement de l’Allemagne, ont restreint les flux de gaz acheminés vers l’Europe par ce biais, réduisant ainsi la capacité d’approvisionnement.

En réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie et à la diminution drastique des approvisionnements russes, les ving-sept ont adopté en juin 2022 un cadre législatif exigeant que les réserves de gaz soient remplies à 90 % de leur capacité d’ici le 1er novembre de chaque année. Ce règlement a été rapidement mis en œuvre. En septembre 2022, les installations de stockage au sein de l’Union européenne étaient déjà pleines à hauteur de 80 % en moyenne. En octobre 2022, on a enregistré un taux de remplissage de 90 %. Au terme de la saison hivernale en mars 2023, le niveau de remplissage se situait autour de 55 %, une nette amélioration par rapport au mois de mars 2022 (26 %).

Ainsi, les réserves de gaz de l’UE sont actuellement à 90 % de leur capacité, deux mois et demi avant l’échéance du 1er novembre, ce qui atteste de la préparation solide du continent en vue de la prochaine saison hivernale, malgré la volatilité persistante des marchés. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a souligné que ces réserves offrent une sécurité énergétique pour l’hiver à venir, tout en continuant les efforts de diversification des sources d’approvisionnement.

Cette démarche vise à renforcer l’autonomie énergétique de l’UE et à réduire sa dépendance vis-à-vis des approvisionnements russes. En effet, au premier trimestre, la part de la Russie dans les importations de gaz de l’UE était de 15 %, ayant diminué de moitié en un an. Pendant ce temps, les Européens ont augmenté leurs acquisitions de gaz naturel liquéfié (GNL) provenant des États-Unis.

D’après les données consolidées de « Gas Infrastructure Europe » (GIE), une association rassemblant les exploitants européens d’infrastructures gazières, les réserves de gaz en Europe étaient remplies en moyenne à hauteur de 90,12 %, représentant environ 93 milliards de mètres cubes.

Les niveaux de remplissage varient d’un pays à l’autre, allant de 77 % en Lettonie à plus de 99 % en Espagne, tandis que la France affiche un taux de 84 %. La Commission estime qu’un taux de 90 % permet de couvrir jusqu’à un tiers de la demande de gaz en hiver au sein de l’UE.

Kadri Simson, commissaire européenne à l’Énergie, a réagi en affirmant que « l’UE est bien préparée pour l’hiver », ce qui contribuera à stabiliser davantage les marchés énergétiques au cours des mois à venir. Cette réponse confirme le retour au calme sur les marchés, avec des prix du gaz pour l’hiver tournant autour de 50 euros par mégawattheure, selon l’indice de référence néerlandais Title Transfer Facility (TTF), une valeur bien en deçà des pics atteints durant la crise, qui avaient triplé ce montant.

Malgré ces développements positifs, le marché gazier reste vulnérable aux fluctuations soudaines. Les installations de stockage en Europe, bien que remplies à leur capacité maximale de plus de 1 100 térawattheures (TWh), ne suffiraient pas à répondre à une consommation telle que celle enregistrée en 2022, s’élevant à près de 4 000 TWh, en baisse de 17 % par rapport aux années précédentes en raison des prix élevés et des mesures d’économie.

Des pics de prix ont été observés en août par suite d’une grève des travailleurs de la branche australienne de Chevron, un acteur clé sur les marchés mondiaux du gaz. Les prix du gaz en Europe ont alors grimpé de 40 % avant de se stabiliser à 14 % au-dessus des niveaux antérieurs. Face à cette situation, Kadri Simson a affirmé que la Commission continuera de surveiller attentivement les niveaux de stockage afin de maintenir une sécurité énergétique adéquate en prévision de l’hiver.

Les experts avertissent que la partie n’est pas encore gagnée, soulignant la nécessité de rester vigilants face à d’éventuels vents contraires, tels qu’un hiver plus rigoureux que prévu ou des perturbations sur les marchés gaziers. Le ministre tchèque de l’Industrie et de l’Énergie, Jozef Sikela, a déjà évoqué cette prudence en juillet.

Alors que de nombreux pays européens ont considérablement réduit leurs importations de gaz en provenance de Russie (notamment l’Allemagne qui est passée d’un approvisionnement important à quasiment nul), l’Autriche maintient son engagement envers Gazprom. L’Autriche, avec près de 10 % de la capacité totale de stockage de gaz de l’UE, a choisi de continuer à s’approvisionner auprès de la Russie malgré les efforts de diversification d’autres pays. Le chancelier autrichien, Karl Nehammer, a expliqué que si les Russes continuent de livrer, l’entreprise autrichienne OMV remplira ses obligations contractuelles. Néanmoins, certains remettent en question cette approche, soulignant que la plupart des États de l’UE sont parvenus à devenir indépendants du gaz russe.

En outre, les États membres se sont engagés à réduire leur consommation de gaz de 15 % entre avril 2023 et fin mars 2024 par rapport à la moyenne des années 2017-2022. Ils ont dépassé cet objectif l’année précédente grâce à des conditions météorologiques favorables et à des tarifs élevés qui ont encouragé les ménages et les entreprises à économiser. Entre août 2022 et mai 2023, l’UE a réduit sa consommation gazière de 18 % par rapport à la moyenne des cinq années précédentes.

Sources :

BFMTV : https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/union-europeenne-les-reserves-de-gaz-remplies-a-90-en-avance-sur-le-calendrier_AD-202308180372.html

Euractiv: https://www.euractiv.fr/section/energie-climat/news/les-reserves-de-gaz-des-etats-membres-de-lue-sont-remplies-a-90/

Conseil de l’Union européenne: https://www.consilium.europa.eu/fr/infographics/gas-storage-capacity/#:~:text=Au%20cours%20de%20cette%20p%C3%A9riode,il%20a%20commenc%C3%A9%20%C3%A0%20diminuer.

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Sources :

Revolution Énergétique – La première fois que l’électricité a été stockée: https://www.revolution-energetique.com/dossiers/la-premiere-fois-que-lelectricite-a-ete-stockee/

Revolution Énergétique – Les 3 plus grands sites de stockage d’électricité du monde: https://www.revolution-energetique.com/les-3-plus-grands-sites-de-stockage-delectricite-du-monde/

Le Monde de l’Énergie – Stockage de l’électricité (January 12, 2021): https://www.lemondedelenergie.com/stockage-electricite/2021/01/12/